TIRYNTHE - 1981

Fouilles de l'lnstitut allemand. — En 1981 K. Kilian et son équipe ont poursuivi, dans la citadelle inférieure, le dégagement méthodique des structures d'habitat HR III C, HR III Β et HA, faisant apparaître sous ces dernières un niveau d'occupation Néolithique Moyen en place. D'autre part sur la colline du Prophète-Élie, près d'Haghios Hadrianos, les fouilleurs ont nettoyé, en collaboration avec M^me E. Deilaki, un fortin avec établissement en terrasses, qui a livré un intéressant matériel de comparaison HR IIIB 1 et 2. Parallèlement à la fouille de la citadelle basse, les études d'ossements humains (G. Bräuer) et de faune (J. Boesneck et A. von den Driesch) ont notablement progressé, tandis qu'on mettait en train celles des mollusques (A. von den Driesch), des objets en plomb ( N. Gale et S. Moseman) et en fer (U. Zwicker).

1) Les principales trouvailles post-mycéniennes ont été enregistrées au Nord-Ouest, devant l'embrasure 14 du rempart (sol de cour de la fin de l'époque archaïque, et au Sud-Ouest, à proximité de l'embrasure Ouest n° 4 (petit cheval en terre cuite du Géométrique Ancien). Dans ces deux mêmes secteurs, auxquels il faut ajouter le bâtiment VI, la fouille a ensuite atteint les derniers niveaux mycéniens.

2) G'est à une phase tardive de l'HR III C que la céramique permet d'assigner les quelques vestiges d'installation très ruinés découverts au Nord-Ouest, dans les carrés LXI-LXII/36 (v. plan dans BCH 105 [1981], p. 788, fig. 26). Il s'agit essentiellement d'un petit mur perpendiculaire au rempart et d'un emplacement de foyer.

L'achèvement de la fouille du bâtiment VI, en LXII/41-42, a permis de constater qu'à l'HR III C l'édifice ne se prolongeait pas au-delà du mur Sud de la « pièce » 116 (v. ibid.).
Plus au Sud, en LXI-LXII/43-44, la poursuite de la fouille de la pièce 127 a fait apparaître plusieurs états HR III C superposés. Au plus récent était notamment associé un larnax, caractéristique de la phase tardive. Les deux états précédents, représentés l'un et l'autre par des foyers sur lit de tessons — dont l'un a fourni presque tous les morceaux du cratère de la fig. 30 — sont assignables, d'après la céramique, à une phase avancée de l'HR III C. Les traces d'une phase primitive ont été décelées immédiatement sous l'état initial de la pièce 127, au sommet d'un imposant amas de ruines résultant de la destruction du site à la fin de l'HR III Β 2 : il s'agit d'une fosse à remplissage de cendre, d'un emplacement de feu, de plusieurs cavités et d'une sépulture. Parmi le matériel, on signale une hydrie non tournée de type « nordique » ou « barbarian wave ». Enchâssées dans ce monticule de pierres, les fondations d'une grande pièce rectangulaire (pièce 193) flanquée d'une petite pièce carrée ont pu être datées, par la céramique, de la phase de transition entre l'HR III Β 2 et l'HR III C.

3) Au niveau HR III Β on a achevé, dans le secteur Nord-Ouest, le dégagement du bâtiment III (v. ibid., fig. 27), qui s'ouvre au Nord par une porte et dont le mur Ouest conservait encore quelques briques crues sur son socle de pierre. A l'Est s'étendait une aire à ciel ouvert, faite de trois couches d'éboulis superposées, dont la plus ancienne semble déjà postérieure à l'HR III Β 1, tandis que la suivante date de la fin de la période. Au Nord, un amas de pierres tombées et de briques crues occupe tout l'espace jusqu'au rempart. Le matériel recueilli dans ce secteur comprend une abondante céramique (fig. 31), plusieurs outils et fragments d'ustensiles en bronze, deux stylets de scribe en os (fig. 32), des figurines animales et des vestiges d'industrie métallurgique.

Dans le bâtiment VI ou « maison de la prêtresse », la fouille a progressé vers le Sud. On a d'abord pu constater que le mur Sud des pièces 123.130 constituait la limite méridionale du bâtiment et que le corridor qui sépare les deux pièces était fermé de ce côté. Dans la partie Sud'du couloir on a retrouvé un groupe de tablettes inscrites en Linéaire Β (fig. 33). On a ensuite mis au jour, au Sud de la pièce 130, sur une terrasse légèrement plus élevée, un ensemble de deux pièces (191.192) séparées par un mur de refend, qui constituent comme une annexe du bâtiment VI, sans communication directe avec lui. La première pièce, au Nord, renfermait un mobilier mêlant les objets d'usage quotidien (perles en verre ou en stéatite, aiguille en os, broyeurs) à des vestiges d'artisanat plus spécialisé (grenaille de bronze, coulées de plomb, scorie de fer arsenical). Parmi les décombres qui jonchaient le sol, on a recueilli une poignée d'épée en marbre et deux fragments de kernoi qui, comme les trois rhytons précédemment retrouvés dans la pièce 130 (v. BCH 103 [1979], p. 559 et 558, fig. 77), ont toute chance d'être tombés du dépôt d'objets cultuels situé à l'étage au-dessus de celle-ci. C'est de là que doivent provenir également les tablettes inscrites, si l'on en juge par leur position dans la couche de destruction : la pièce de l'étage aurait donc été aussi une salle d'archives ou encore — compte tenu de la grande disparité des cinq textes retrouvés — le bureau d'un scribe. La fonction de la pièce 192 n'a jusqu'à présent pas pu être éclaircie à cause des remaniements ultérieurs qui l'ont altérée.

Un sondage profond effectué immédiatement au Sud du bâtiment VI a fait apparaître un mur en pierre Est/Ouest de 1,64 m de haut correspondant à un sol couvert d'une épaisse couche de briques crues effondrées. La céramique associée est exclusivement HR III Β 1. Parmi les petits objets on mentionne une colonne miniature en ivoire (fig. 34) qui a plusieurs parallèles à Mycènes. Cette phase — qui correspond à la Maison du marchand d'huile à Mycènes ou à l'établissement fouillé cette année près d'Haghios Hadrianos — n'était jusqu'à présent attestée, dans la citadelle inférieure, que dans le secteur du bâtiment III. Il est clair que, dans la moitié Ouest de la citadelle, entre les bâtiments I et VI, il ne reste rien des constructions mycéniennes antérieures à l'HR III Β 2.

En LXI-LXII/43-44, les deux couches de destruction HR III Β 2, scellées par la pièce 193, ont produit un matériel particulièrement riche. On en retiendra surtout un modèle réduit de maison ronde et un trône en terre cuite, plusieurs figures thériomorphes, des idoles en T, en Φ et en Ψ, un fragment de fresque représentant un guerrier portant deux lances (fig. 35) et une pièce en plomb moulé (modèle pour la fonte en bronze ?) qui témoigne, dans ce secteur encore, d'une activité métallurgique.

4) Les zones d'habitat HA précédemment explorées ont été fouillées cette année jusqu'au sol vierge, la présence des constructions mycéniennes gênant parfois l'interprétation architecturale de ces vestiges.

Sur la terrasse Ouest, en LXII/38-39 (v. plans ibid., p. 790, fig. 30-31), comme dans le secteur Est, en LXIII/37-39, les constructions du niveau HA II, manifestement détruites lors d'un incendie, ont livré un matériel abondant et caractéristique : entourages de foyers à décor plastique, vases en céramique (fig. 36-37), outils en os, en silex et en obsidienne, ainsi qu'une gueuse de plomb qui implique le travail du métal sur place. On note que plusieurs tessons sont des importations cycladiques et est-égéennes.

Un niveau de construction antérieur, également ravagé par le feu, est représenté, dans le secteur Est, par les pièces 202.203.204, qui sont fondées directement sur le rocher. Orientées selon un axe Nord-Ouest/Sud-Est, elles ont des murs relativement minces, en briques crues, sur soubassement de pierre appareillé en « arête de poisson ». Si leur matériel appartient déjà à l'ΗΑ II, il conserve nombre de traits HA I qui trahissent une phase primitive de l'ΗΑ II, isolée ici pour la première fois. Les travaux de nivellement qui précédèrent cette installation ont fait disparaître toutes les couches d'occupation antérieures, à l'exception d'un dépôt Néolithique Moyen en place dans une cavité du rocher, en LXIV/38. La continuité de l'occupation est cependant attestée par l'abondance du matériel Néolithique Récent retrouvé dans des dépôts secondaires.