TlRYNTHE. – Citadelle - 2002
Tirynthe, Tiryntha, Tiryns
En 2001, la campagne de fouilles, dirigée par J. Maran (université de Heidelberg) en collaboration avec P. Marzolff et L. Rahmstorf, s'est concentrée sur un sondage implanté aux abords de la Porte Nord à l'intérieur de la citadelle inférieure (carrés LXII 35 et LXIII 34-35), à un endroit où il était prévu d'aménager un escalier pour les visiteurs. La fouille a permis de recueillir des informations qui complètent le tableau tracé par Kilian de l'évolution historique de la citadelle entre la fin du XIIIe s. et le XIIe s. av. J.-C. On a partiellement dégagé un bâtiment de la fin de l'époque palatiale (bâtiment XV) à l'Est du chemin qui conduisait à la Porte, qui compte parmi les édifices les mieux construits de la citadelle inférieure. La destruction de ce bâtiment (XV) à la fin de l'HR IIIB confirme le fait qu'à Tirynthe, la fin de l'époque des palais fut causée par une catastrophe de grande envergure. Parmi la longue liste de vases qui se trouvaient sur le sol de la maison, on signale les fragments d'une jarre à étrier de taille moyenne de la fin de l'époque minoenne, qui portait sur la partie inférieure de la panse un décor exceptionnel de coquilles de tritons en position verticale (fig. 1). Il semble que ce secteur de la citadelle inférieure ne soit pas resté longtemps inoccupé après la fin de l'époque palatiale. Mais le bâtiment XV ne fut jamais reconstruit et fut même partiellement pillé. Les quelques traces d'occupation du début de l'HR IIIC retrouvées parmi ses vestiges sont typiques de l'«occupation des ruines » que Kilian avait constatée à plusieurs endroits dans la partie occidentale de la citadelle inférieure. On n'a pas trouvé d'indices montrant que le chemin de la Porte a été utilisé à cette époque, ce qui signifie que la Porte Nord n'avait pas encore été remise en état. La situation ne semble avoir changé qu'au milieu du HR IIIC, quand l'emplacement où le bâtiment XV s'était élevé est réoccupé. On y trouve une pièce orientée un peu différemment, où l'on peut distinguer deux phases de construction. Dans la première, la pièce était pourvue d'un porche, dont un des supports au moins reposait sur une dalle sciée et réutilisée de l'époque palatiale. Les nouveaux sols qui se trouvent à proximité, à l'extérieur de la pièce, attestent que le chemin de la Porte fut beaucoup fréquenté au milieu de l'HR IIIC et permettent de conclure que cet accès à l'acropole fut donc réutilisé. Les traces qui témoignent de l'utilisation de ce chemin à la fin de l'époque palatiale et dans une phase avancée de l'époque postpalatiale contredisent l'opinion souvent formulée que la Porte Nord ne servit pas d'accès régulier à la citadelle, mais uniquement de porte de sortie en temps de crise.
— En 2002, les fouilles menées aux abords de la Porte Nord à l'intérieur de la citadelle inférieure se sont poursuivies sous la direction de J. Maran. L'exploration de la zone est pratiquement terminée et a conduit à d'importants résultats, qui sont résumés ici dans l'ordre chronologique.
Époque palatiale
1) HR IIIB phase avancée : à quelques mètres à l'Ouest de la Porte Nord, on a découvert un passage (désormais appelé « passage Nord ») jusqu'alors inconnu, qui traversait obliquement le mur d'enceinte et fut construit en même temps que la fortification cyclopéenne à l'HR IIIB phase avancée. Depuis l'entrée supérieure (côté ville) jusqu'à la moitié, ce passage était voûté en encorbellement, tandis que dans la moitié inférieure (côté territoire), il avait une couverture de gros blocs disposés horizontalement et surélevés les uns par rapport aux autres. L'ouverture inférieure avait échappé à l'attention des archéologues, parce qu'elle avait été comblée avec des gros blocs dès l'époque mycénienne. La galerie, dont le tracé n'est pas totalement droit, mesurait environ 8 m de long. À l'origine, l'ouverture située du côté de la citadelle, dont l'embrasure était droite, mesurait 1,65-2,05 m de haut, et 0,785 m de large. Dans la partie voûtée en encorbellement, la largeur de la galerie se maintient constamment entre 0,73 et 0,775 m. À 2 m environ de l'ouverture supérieure, fut dégagée une sorte de palier fait avec un bloc posé horizontalement, qui servait sans doute de marche car il était aplani avec une couche d'argile. À cet endroit, la hauteur de la galerie était de 1,70 m environ. Plus loin, on trouve un autre palier situé 0,60 m plus bas et construit à même le rocher, qui servit sans doute lui aussi de marche car il conserve également des traces d'argile. À ce point, qui correspond à l'emplacement où la couverture de la galerie change et passe de la voûte en encorbellement aux blocs horizontaux surélevés les uns par rapport aux autres, la hauteur de la galerie était de ca 2,40 m. Immédiatement après, la galerie présente un fort étranglement, car au palier suivant, qui se trouve sous le premier bloc horizontal, elle n'a plus que 0,60 m de large et environ 0,90 m de haut (peut-être un peu plus quand les travaux de nettoyage seront terminés). Comme la partie qui suit l'étranglement n'a pas encore été nettoyée, il est impossible de connaître la hauteur exacte du passage, mais on peut constater que sa largeur diminue jusqu'à 0,565 m. Ensuite, elle augmente sensiblement pour atteindre les dimensions de l'ouverture inférieure située du côté du territoire. Le haut de l'embrasure, que l'on peut voir de l'extérieur bien qu'elle soit murée, a environ 1,50-1,70 m de large, ce qui correspond pratiquement au double de la largeur de l'ouverture supérieure et au triple de la largeur minimum de la galerie. Le passage Nord de Tirynthe ressemble au passage Nord du saillant Nord-Est de l'acropole de Mycènes, non seulement par sa date et ses dimensions, mais aussi par le raffinement de son architecture militaire. L'étranglement qu'il présente à mi-parcours était aussi efficace en cas d'attaque ennemie que son étroitesse. Une autre caractéristique stratégique qu'il partage avec le passage Nord de Mycènes est d'être situé pratiquement à l'opposé de l'entrée principale de l'acropole. Cette position permettait de surprendre l'ennemi en cas de siège, ou d'abandonner la place sans être vu en cas de menace grave. L'accès au passage Nord se faisait par un bâtiment qui se trouve au-dessous de l'édifice XI et qui n'a pu être dégagé qu'à quelques endroits en 2002. Ce bâtiment remonte à l'HR IIIB phase avancée et n'avait pas exactement la même orientation que l'édifice XI.
À l'HR IIIB phase avancée, le terrain qui était situé à l'Est du chemin de la Porte était occupé par le bâtiment XV. Dans sa première phase, ce bâtiment n'était pas encore divisé en deux pièces comme dans sa phase plus récente dégagée en 2001. Il était traversé par une conduite qui débouchait dans une galerie (distincte du « passage Nord ») que l'on a découverte dans le mur d'enceinte en 2002. D'après ses dimensions et sa technique de construction (couverture de dalles horizontales et absence de voûte en encorbellement) cette galerie correspond aux canalisations connues jusqu'à présent à Tirynthe et à Mycènes.
2) HR IIIB phase finale : contrairement à son équivalent de Mycènes, le passage Nord de Tirynthe semble n'avoir été utilisé que très peu de temps dans sa première fonction. Dès le HR IIIB phase finale, c'est-à-dire encore dans le courant de la seconde moitié du XIIIe s. av. J.-C., son ouverture supérieure fut remblayée et une conduite y fut aménagée. Jusqu'à la destruction de l'habitat de l'époque palatiale vers 1200 av. J.-C., le passage Nord servit à l'évacuation des eaux. Tout porte à croire que c'est à l'occasion de ce réaménagement que la conduite du bâtiment XV fut abandonnée.
La conduite aménagée à l'HR IIIB phase finale venait du Sud et traversait le chemin de la Porte. Dans cette partie, elle était certainement composée d'une canalisation en bois qui reposait sur un support en pierre (« mur 2/83 »). À quelques mètres de la Porte Nord, la conduite tournait vers l'Ouest et pénétrait dans la pièce trapézoïdale du bâtiment XI à travers une ouverture aménagée dans le mur, d'où elle continuait en ligne droite jusqu'à l'ouverture du passage Nord. Dans le tronçon qui traversait le bâtiment XI, elle était soigneusement murée et vraisemblablement couverte par des dalles.
Parmi les objets trouvés sur le chemin de la porte et dans le bâtiment XI, dans la couche de destruction de la dernière phase d'occupation de l'époque palatiale (HR IIIB phase finale), il y avait de nombreux vases, une applique murale, ainsi qu'un vase fragmentaire en faïence en forme de tête animale et un fragment de bâton en ivoire (long. 3,5 cm) portant des signes qui rappellent l'écriture cunéiforme. L'objet fut retrouvé dans le bâtiment XI, à ca 3 m seulement à l'Est du foyer où Kilian avait découvert des déchets de fusion de bronze et des fragments de feuilles d'or très fines. On ne peut pas dire si l'objet est à mettre en relation avec un atelier d'époque palatiale — où il aurait peut-être été utilisé comme unité de mesure — car on ne connaît pas d'objets correspondant provenant de la Méditerranée orientale ou du Proche-Orient.
Époque postpalatiale (HR IIIC) : les trouvailles se répartissent en 5 phases :
1) La première phase de l'HR IIIC est représentée par une seule trouvaille. Il s'agit d'une très grande fosse qui empiète sur les ruines de l'édifice XI de l'époque palatiale et qui contenait trois squelettes humains sans mobilier funéraire. Deux étaient recouverts par des fragments de pithoi, tandis que le troisième était entouré par quelques pierres sommairement disposées. Le seul squelette intégralement conservé, couché sur le dos et orienté Ouest-Est, est celui d'un adulte ; le deuxième, orienté Nord-Sud, est celui d'un enfant, sans doute couché lui aussi sur le dos. Le troisième est incomplet, mais la façon dont ses restes sont déposés indique qu'il l'était déjà quand il fut inhumé.
Les enterrements retrouvés dans cette fosse sont à mettre en relation avec ceux du même type découverts en divers endroits du secteur Nord de la citadelle inférieure depuis le début des années 1960. Les squelettes retrouvés en 2002 ont pour la première fois un contexte stratigraphique précis, car leur inhumation correspond à la couche la plus ancienne de l'HR IIIC. Il est par ailleurs manifeste que les trois cadavres ont été enterrés dans une seule et même fosse. On peut dès lors se demander si les squelettes ensevelis sans mobilier funéraire au Nord de la citadelle inférieure sont des victimes de la grande catastrophe qui eut lieu au tournant de l'HR IIIB à l'HR IIIC.
2) Ce n'est qu'à la deuxième phase, qui date de l'HR IIIC avancé, que la partie Nord de la citadelle inférieure explorée en 2002 fut reconstruite. La reconstruction ne concerna d'abord que le secteur situé à l'Ouest de la Porte Nord. L'interruption de la construction qui suivit la catastrophe des années 1200 av. J.-C., que l'on constate dans l'ensemble de la citadelle inférieure Nord et qui dura pratiquement deux générations, s'explique peut-être par le souci que l'on eut de ne pas bâtir dans cette zone à cause des sépultures.
Les vestiges de l'HR IlIC-phase 2 à l'Ouest de la Porte Nord appartiennent à un ensemble de pièces partiellement construites sur les ruines de l'édifice XI. Plusieurs pièces groupées autour d'un petit espace vide ont été fouillées. Dans cet espace, des restes de fours sont apparus, dont on ignore encore la fonction. Le complexe de pièces était relié par un escalier de trois marches à la zone attenante à l'Est ; il semble pourtant que le chemin de la Porte ne fut pas remis en usage à cette époque, ni pendant la phase 3.
Dans la troisième phase, qui devrait correspondre à l'HR IIIC avancé, seule une pièce trapézoïdale située tout contre le mur d'enceinte s'ajouta à l'ensemble de pièces construites pendant la phase 2 à l'Ouest de la Porte Nord. Au Sud de cette pièce s'ouvrait désormais un grand espace vide où l'on n'a pas retrouvé de traces de four.
Ce n'est qu'avec la quatrième phase que le chemin qui menait à la Porte Nord fut remis en usage et que le vide laissé à l'Est du chemin fut comblé à travers la construction de la pièce dégagée en 2001 (pièce 2/01). À l'Ouest du chemin, une nouvelle construction de forme trapézoïdale (pièce 3/02) remplaça la pièce de forme et dimensions relativement semblables de la phase 3. Il semble qu'il n'y eut pas de nouvelle construction dans la zone située plus au Sud.
Dans la dernière période d'occupation d'époque mycénienne, la cinquième phase, il n'y eut aucune modification fondamentale de l'organisation des pièces à l'Ouest et à l'Est du chemin de la Porte. La pièce trapézoïdale 3/02 continua d'exister, et à l'Est du chemin de la Porte, la pièce 1/01 remplaça la pièce 2/01, qui était légèrement plus petite qu'elle.
Vestiges postmycéniens
À l'Ouest et à l'Est de la Porte Nord, on a observé comme en 2001 une concentration frappante de perturbations profondes d'époque postmycénienne. Elles étaient toutes situées le long du parement intérieur du mur de fortification et avaient une profondeur considérable mais une largeur très réduite, comme s'il s'agissait de sondages. Or on sait que cet emplacement ne fut jamais fouillé à l'époque moderne. Les fouilles de 2002 prouvent que ces sondages furent réalisés à la recherche des voûtes mycéniennes : on rouvrit non seulement la galerie du passage Nord et la conduite qui y menait à l'Ouest du chemin de la Porte (20/02), mais aussi la canalisation (124/02) du bâtiment XV à l'Est du chemin. Comme les voûtes mycéniennes situées à l'intérieur de la citadelle inférieure étaient profondément ensevelies sous les sédiments et n'étaient certainement pas visibles jusqu'à l'époque classique, on peut supposer qu'elles furent d'abord découvertes dans le parement extérieur du mur d'enceinte, et qu'on chercha ensuite à les retrouver à l'intérieur de la citadelle.
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