CORINTHE - 2002
Archaia Korinthos, Palaia
Les fouilles dirigées par G. Sanders se sont poursuivies dans le terrain de la Panaghia, au Sud-Est du forum de Corinthe. Les campagnes précédentes avaient permis d'y dégager une maison urbaine datant du IVe s. apr. J.-C., des bâtiments tardo-romains, des vestiges d'occupation byzantine, ainsi que des maisons datant du XIXe s.
— Campagne 2001
1) Maison urbaine (fig. 1). — Les fouilles ont été étendues au Nord et à l'Ouest pour préciser les limites de la maison romaine. On a fouillé la rue qui longeait la façade Est et certains des sols qui se trouvaient à l'intérieur de la maison. La fouille de ces sols (pièces 11, 13, 14 et 16) a permis d'accéder aux structures antérieures, fortement perturbées par les travaux de terrassement et de nivellement réalisés lors de la construction de la maison. À l'Ouest, on a retrouvé des restes de murs illisibles et un dépôt contenant des vases miniatures et des statuettes allant de la fin de l'époque archaïque jusqu'au début de l'époque classique. On a dégagé la partie supérieure d'un sous-sol du début de l'époque romaine. Sous l'une des tranchées de récupération des murs de cet édifice, des grandes dalles recouvraient une fosse correspondant peut-être à une tombe. Trois œnochoés pratiquement complètes datables du GM retrouvées dans des déblais voisins d'époque tardo-romaine indiquent qu'il pouvait y avoir des tombes géométriques à cet endroit.
À l'Est, la partie inférieure d'une petite citerne contenait un dépôt datant de la fin du IVe/début du IIIe s. av. J.-C. Plus à l'Est, on a dégagé les sols et les fondations d'une petite construction datant probablement de la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. (abandonnée vers le milieu du Ier s. apr. J.-C.), sous le sol de laquelle on a retrouvé une carapace complète de tortue, ainsi qu'une lampe d'époque augustéenne et une monnaie de ca 44-40 av. J.-C. Au-dessus de cette construction se trouvaient les vestiges d'une citerne et d'un puits comblés avec de la céramique du IIe s. apr. J.-C. Les couches supérieures indiquent que certaines parties de la maison romaine n'allaient pas jusqu'à la rue et que cette zone fut pratiquement abandonnée au IVe s. apr. J.-C.
La maison romaine est désormais dégagée sur plus de 1 000 m2. La majorité des murs furent pillés quand de nouvelles constructions furent édifiées sur le site au Ve s. apr. J.-C., mais les sols sont généralement bien conservés. Des fouilles à l'Est ont dégagé l'espace qui bordait la rue sur une longueur de 10 m, mais les sondages à l'Ouest du terrain n'ont pas permis d'identifier les limites occidentales du bâtiment. Au Nord de la pièce 11, on a découvert un très grand réservoir orienté d'Est en Ouest (16,2 x 2,1 m), enduit d'un ciment imperméable. Ce bassin est le premier élément, avec l'Euripe de la pièce 10, la fontaine octogonale de la pièce 8 et le bassin de fontaine carré de la pièce 2, qui révèle l'axialité Est-Ouest et Nord-Sud de la maison. Un sondage profond au Nord du bassin a révélé l'absence de murs ou de sols significatifs à cet endroit, ce qui suggère que cette zone était occupée par un jardin. Un tuyau en plomb, partiellement pillé au VIe s., a été trouvé sous le sol de la pièce 11. Il provenait du Sud du péristyle (pièce 10), s'incurvait au Sud de la pièce 11, puis se divisait en deux ramifications, l'une conduisant à la fontaine octogonale de la pièce 8 au Sud, tandis que l'autre continuait en direction de l'angle Sud-Ouest du large bassin rectangulaire. Le blocage de la conduite contenait des monnaies allant jusqu'à la fin du IIe s. apr. J.-C. Ces monnaies et le matériel de deux puits qui furent comblés et mis hors d'usage avant la construction de la maison indiquent que celle-ci fut construite quelques dizaines d'années au moins après le début du IIIe s. apr. J.-C. Des monnaies recueillies dans les couches de destruction situent la fin de l'utilisation du bâtiment après 360 apr. J.-C.
2) Cimetière. — Une zone de 550 m2 environ a été dégagée au Nord de la maison romaine et des thermes du VIe s. On a fouillé des tombes du cimetière de la Panaghia, qui fut en usage jusqu'au début du XXe s. L'étude des contextes et du mobilier (monnaies du XVIIe s.) indique que ces tombes datent de la fin de la première domination ottomane (ca 1600-1670). Certaines d'entre elles furent détruites par des murs de maisons au début du XIXe s.
59 tombes ont été fouillées ; elles contenaient les restes de 89 individus. La majorité des sépultures étaient chrétiennes, généralement orientées au Nord-Est. Les cadavres avaient les mains placées sur l'abdomen et la tête soutenue — et parfois recouverte — par des pierres. Au Sud il y avait un petit nombre de sépultures musulmanes. Les cadavres étaient orientés au Nord-Est, le visage tourné vers le Sud-Est et les mains placées près du torse. Les tombes de bébés et d'enfants représentent 25 % du total, ce qui est normal si l'on considère que bon nombre d'entre elles furent détruites à l'époque moderne (on attendrait un taux de 40 % environ dans un contexte moins perturbé). Il serait cependant nécessaire d'expliquer la forte prépondérance des hommes par rapport aux femmes (2,5 : 1). Une tombe très perturbée contenait les restes d'un homme d'une vingtaine d'années qui avait un grand crochet en fer planté sous la clavicule gauche.
3) Vestiges modernes. — Les derniers murs du début de l'époque moderne qui se trouvaient dans la zone du cimetière, au Nord du site, ont été démontés. On a pu préciser la chronologie d'un vaste dépotoir, partiellement fouillé en 2000, postérieur à un certain nombre de tombes, mais antérieur à un mur de clôture qui figure sur un plan du village dressé peu après l'accession au trône du roi Othon, ce qui fournit un terminus ante quem vers 1828. Deux monnaies datant de la treizième année du sultan Abdul Hamid offrent un terminus post quem vers 1796 (à dix ans près). Le dépôt s'ajoute au matériel jusqu'alors non daté du terrain de la Panaghia, qui contient des contextes immédiatement postérieurs à la guerre d'Indépendance, vers 1830, et d'autres immédiatement antérieurs au tremblement de terre de 1858.
4) Prospections géomagnétiques. — Les prospections réalisées au Sud et à l'Ouest de l'Asklépieion ont confirmé que cette zone contenait peu de données (v. BCH 125 [2001] Chron., p. 817). Le nouveau matériel a permis de revoir les interprétations proposées à l'issue de la campagne 2000 : rien ne permet pour l'instant de confirmer — ou de nier — la présence de la spina d'un cirque (v. fouilles de l'université du Texas, Hesperia 38 [1969], p. 64-106). Les anomalies n'ont pas permis non plus d'identifier le mur d'enceinte tardo-romain (Hesperia 48 [1979], p. 264-280).
Les résultats recueillis à l'Ouest de l'amphithéâtre sont plus encourageants. Le travail de prospection a commencé à l'Ouest, à partir des dernières traces visibles du mur d'enceinte, et continué en direction du Nord. Une grande structure identifiée le long de la route moderne, au bord de la terrasse, semble bien correspondre à la partie du mur qui traversait le plateau en direction Nord-Ouest (contra Hesperia 48 [1979], p. 264-280). Dans cette zone, on a détecté la présence de beaucoup d'éléments linéaires, sans doute des maisons, et une grande anomalie, correspondant peut-être à des thermes tardo-romains. Mais on a surtout relevé les restes d'un bâtiment massif circulaire ou octogonal de 12 m de diamètre, à proximité immédiate d'un bâtiment carré mesurant 20 x 20 m. Cette structure est sans doute celle que D. I. Pallas avait interprétée comme « les vestiges d'une basilique » (Reallexikon zur Byzantinischen Kunst A [1990], s.v. « Korinth »), mais les fouilleurs préfèrent y voir un martyrium.
— Campagne 2002
1) Maison urbaine. — Les niveaux de la rue romaine à l'Est de la propriété ont été dégagés. Ils étaient perturbés par des fosses de stockage médiévales, par une tranchée de récupération large et profonde du XIIe s. et par d'importants travaux de réparation d'égouts du Ve et surtout du VIe s. apr. J.-C. Les premiers niveaux préservés dataient du début du IIIe s. apr. J.-C.
La chaussée était empierrée, mais pas pavée. Au Ier s. apr. J.-C., plusieurs couches de graviers furent déposées successivement contre le mur qui flanquait la rue à l'Ouest. Un porche pavé donna accès à une pièce à l'Ouest. À la fin du Ier s. apr. J.-C., pour une raison inconnue, un certain nombre de grosses pierres de taille furent déposées sur la rue. Certaines d'entre elles servirent à construire une bordure de trottoir à 2 m du mur Ouest environ et autour du porche pavé, tandis que d'autres restèrent là où elles étaient tombées. Ces bordures furent remblayées avec de la terre, puis recouvertes de cailloutis. Des conduites d'eau furent ensuite posées et recouvertes par de nouvelles chaussées, qui furent plusieurs fois détruites et refaites lors des travaux d'entretien ou de récupération de la tuyauterie.
Des vestiges de structures datant du Ier au IIIe s. ont été découverts au-dessous des sols de la maison romaine, dont un puits et une fosse à chaux. La fosse, qui avait été utilisée pour déposer et mélanger du plâtre, consistait simplement en un trou rectangulaire. Ses bords étaient couverts de restes de chaux. Elle fut remblayée avec de gros fragments de fresques — celles qui avaient été remplacées par la nouvelle couche d'enduit — puis scellée par un sol en plâtre.
La découverte d'une tombe géométrique a confirmé l'hypothèse formulée en 2001. Le retrait minutieux des contextes perturbés d'époque hellénistique et romaine a permis de constater qu'une partie considérable de la tombe était intacte (fig. 2). Un très grand sarcophage de calcaire sableux était encore in situ (dimensions intérieures : 0,7 x 1,6 m ; prof. 0,7 m), apparemment au centre d'une fosse de 2,3 x 3,8 m (longueur restaurée). Le côté Nord de la fosse avait été remblayé avec des gros galets, au-dessus desquels on avait déposé une couche d'argile pour faire glisser le couvercle du sarcophage, très lourd, en calcaire de l'Acrocorinthe. Après la pose du couvercle, la tombe fut totalement remblayée ; des vases utilisés pendant la cérémonie funèbre furent soigneusement dressés contre les parois de la fosse. Deux œnochoés surmontées respectivement d'une coupe, d'un skyphos et d'un kyathos furent découvertes dans l'angle Nord-Est ; deux amphores à décor, l'une surmontée d'un skyphos, l'autre partiellement endommagée par les constructions et les tranchées de récupération romaines, furent dégagées contre la paroi Ouest, et une hydrie (ou amphore commerciale) contre la paroi Est. Deux petits aryballes furent non pas posés, mais jetés dans le remblai au Nord. Il n'y a pas de traces de charbons ou de cendres qui suggèrent la préparation d'un repas funéraire. La tombe date de l'époque de transition entre le GA et le GM1, ca 825 (± 25) av. J.-C. Le sarcophage est le plus grand exemplaire d'époque géométrique ancienne ou moyenne découvert à ce jour à Corinthe et la tombe, avec les 10 vases in situ et les 5 œnochoés qui en faisaient certainement partie, même si elles furent découvertes hors de leur contexte, est d'une grande importance. Les vases furent sans doute utilisés pour la cérémonie funèbre, puis enterrés. Comme les œnochoés et les amphores étaient posées verticalement avec des coupes sur leurs embouchures, elles n'étaient sans doute pas totalement vides quand elles furent enterrées. Les informations recueillies lors de la fouille pourraient permettre de reconstruire très précisément la séquence des événements et du rituel funèbre où l'huile, l'eau et le vin, comme à d'autres époques, occupaient une place prédominante.
2) Cimetière. — 10 autres tombes ont été fouillées. Un individu mort jeune et de mort violente porte à quatre le nombre des suppliciés.
3) Prospections géomagnétiques. — De nouvelles mesures de résistivité ont été réalisées dans la zone du mur d'époque tardo-romaine à l'Est du village (v. Hesperia 48 [1979], p. 264-280) . Le tracé du mur a été presque entièrement repéré depuis la route d'Argos (au Nord) jusqu'aux pentes de la terrasse supérieure. Plusieurs tours ont été identifiées, ainsi qu'une longue structure linéaire parallèle au mur (à l'Est), qui correspond peut-être au tracé d'un proteichisma. Dans une section fouillée en 1930, on a retrouvé des éléments qui pourraient correspondre au remplissage des deux parements (après le pillage des blocs). Le tracé du mur est différent de celui qui avait été proposé précédemment. Des structures linéaires importantes qui s'ajoutent à celles qui avaient été relevées précédemment (thermes tardo-romains, martyrium ou baptistère) indiquent l'importance de cette zone dans l'Antiquité tardive. Des fouilles récentes de l'Éphorie des antiquités byzantines, guidées en partie par les résultats des prospections, le confirment.
Légende graphique :
localisation de la fouille/de l'opération
localisation du toponyme
polygone du toponyme Chronique
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