THASOS. - Abords Nord de l'Artémision - 2012
Informations Générales
Numéro de la notice
3416
Année de l'opération
2012
Chronologie
Mots-clés
Puits - Maison - Inscription - Monnaie - Mosaïque - Flore - Os - Installation hydraulique - Habitat - Voierie
Nature de l'opération
Institution(s)
Εθνικό και Καποδιστριακό Πανεπιστήμιο Αθηνών (Université Nationale et Kapodistrienne d'Athènes)
12η Εφορεία Βυζαντινών Αρχαιοτήτων (12e éphorie des antiquités byzantines)
Localisation
Toponyme
Thasos, Thassos, Limenas, Limin
Thasos, Thassos, Limenas, Limin
Notices et opérations liées
Description
Dans le cadre d’un programme commun de l’Ecole française d’Athènes, de la XVIIIe éphorie des antiquités préhistoriques et classiques de Kavala et de la 12e éphorie des antiquités byzantines de Kavala, A. Muller (EfA/Université Lille 3), Fr. Blondé (EfA/CNRS Lille), S. Dadaki (12e EBA) et P. Petridis (EfA/EKPA) ont poursuivi la fouille des Abords Nord de l’Artémision, mettant au jour de nouvelles parties de la demeure protobyzantine (DOM 5) fouillée depuis 2002, ainsi que des structures subjacentes. La campagne de fouille 2012 poursuivait deux objectifs (fig. 1) : le premier consistait à compléter les informations sur l’extension et le mode de construction de cette demeure, par le biais de sondages et d’une prospection géophysique. Le deuxième concernait les états antérieurs à DOM5, principalement sous l’aile Nord où il s’agissait de préciser le plan d’un édifice plus ancien (BAT24).
Les résultats obtenus concernent principalement la RUE4 en bordure occidentale de DOM5, les ailes Nord et Est de la demeure et la succession des édifices BAT24, reconnu en 2010, et son prédécesseur BAT25. La période couverte par ces résultats va du VIe s. av. J.-C. à 620 apr. J.-C. (fg. 2).
La RUE4. - Les sondages 7 et 14 de part et d’autre du mur le plus occidental de DOM5 ont permis de reconnaître ponctuellement quelques états de la voie qui menait des abords du Poseidonion et du Dionysion au Nord vers l’agora des Charites au Sud, d’où elle se prolongeait dans la grande voie vers l’Hérakleion. On distingue ainsi, du plus ancien au plus récent :
– un passage large d’environ 6 m entre le péribole oriental du Dionysion et le mur occidental de BAT25 puis de BAT24 puis du premier état de DOM5 ; de cet état on ne connaît qu’une dense succession de sols anciens apparemment d’époque archaïque, en fait de simples indurations au sommet de remblais de sables et graviers, souvent de faible épaisseur (fig. 3). Ce remblaiement est sans doute l’effet du colluvionnement qui a fait remonter rapidement le niveau du sol.
– à l’époque protobyzantine, un profond décaissement a fait disparaître les couches des époques classique à romaine impériale et a ramené le niveau dans cette voie à la cote ca 5,10 m ; un égout de construction sommaire a alors été posé dans cette voie (fig. 4). Ces travaux pourraient être contemporains de l’installation de DOM5 et plus précisément, à cet endroit, de la transformation de BAT24 intégré dans DOM5.
– peu après, l’agrandissement de la pièce PCE21 a débordé sur la rue, ce qui a réduit de moitié environ la largeur de la voie (fig. 2). Le même phénomène d’extension de DOM5 au détriment des voies et espaces publics a été observé dans l’aile Est et dans l’aile Sud.
– ainsi réduite à ca 3 m de largeur, la RUE4 n’a manifestement plus été entretenue : c’est ce que montre la succession de remblais terreux, de couleur brune ou très noire, encore apportés par le colluvionnement, sur une épaisseur d’environ 1,70 m. Les quelques niveaux de circulation observables ne présentent aucun aménagement.
Principaux résultats concernant DOM5
La campagne 2012 a apporté des informations nouvelles sur l’installation et surtout sur les agrandissements et les dernières phases d’occupation de la demeure.
L’aile Nord. - L’analyse architecturale permettra de distinguer, dans les maçonneries de l’aile Nord de DOM5, ce qui relève du dernier état de BAT24 d’époque impériale, de ce qui relève de l’installation de DOM5 au début du Ve s. En l’état actuel, on peut rattacher à cette dernière une série de transformations, liées à la redistribution des espaces. Entre les pièces PCE21 et PCE20, un mur de refend a été reconstruit en petit appareil lié au mortier de chaux sur un mur plus ancien, en appareil polygonal, mais avec une orientation légèrement divergente (fig. 5). La pièce orientale de BAT24, PCE63, a été réduite de façon sensible à l’Est par la construction d’un nouveau mur de refend, qui délimite la nouvelle pièce PCE55 de DOM5, plus étroite (fig. 6). Inversement, à l’Ouest, DOM5 s’est étendue au-delà de l’emprise de BAT24 avec l’annexion d’une surface (ESP59) gagnée par empiétement sur la RUE4 pour former la grande pièce PCE21 (fig. 7). Cette extension de DOM5 vers l’Ouest pourrait être contemporaine de l’agrandissement du triklinos PCE13 avec l’ajout de l’abside.
Dans la pièce PCE20, on a mis en évidence, sur l’ensemble de sa surface, le pavement de galets déjà partiellement connu, avec sa grande lacune quadrangulaire à l’emplacement d’un emblema disparu. On a ainsi pu dater du courant du VIe s., sans doute après la dégradation de DOM5 dans les années 570, la récupération de l’emblema, qui a laissé une fosse rectangulaire relativement profonde (fig. 7-8). Le pavement de galets est resté en usage jusqu’à la destruction finale de la demeure en 620. L’ensemble du pavement a été systématiquement consolidé. Par ailleurs, on a achevé la restauration de la mosaïque de la pièce PCE21, déposée en 2010.
L’aile Est. - Depuis 2004, le triklinos (PCE65/PCE13) a posé de nombreuses difficultés en raison de l’absence du pavement attendu correspondant à un état « monumental », les derniers sols se trouvant à une cote sensiblement plus basse. La fouille de 2012 a permis d’établir l’inachèvement de cet espace. Deux phases principales prennent place entre les années 560-570 et la destruction de 620 de notre ère.
– Le chantier de la transformation de la pièce PCE65, de plan rectangulaire et fermée à l’Ouest par un mur, en triklinos PCE13 avec abside a comporté des opérations lourdes : décaissement des niveaux de sol ; arasement du mur de fond ; construction de l’abside outrepassée et réalisation du gros œuvre du nouvel espace PCE13, couverture en cul de four de l’abside comprise. Ces opérations s’accompagnent de la formation d’un sol de travail. Un ensemble de nombreux trous de poteaux avec pierres de calage encore en place, souvent entourés d’empreintes d’étais, retrouvés sur presque toute la surface de la pièce (fig. 10), peut être mis en rapport avec cette activité de construction : il doit s’agir de traces d’échafaudages. Un autre ensemble de traces – des lits compacts de cendres et des lambeaux de sols rubéfiés, quelques fosses et canaux remplis de charbons et de scories – témoigne d’une production métallurgique, qui doit elle aussi être en relation avec le chantier de construction.
Parallèlement à ces travaux, un puits profond de plus de 6 m et d’un diamètre d’environ 1,60 m a été installé à peu près au centre de l’abside. Son cuvelage est construit dans un appareil grossier de petits blocs derrière lequel ont été accumulées des pierres (fig. 11). Cet ouvrage, encore en eau aujourd’hui, est resté lui aussi inachevé : il a été simplement fermé d’une grande dalle en marbre, retrouvée brisée en cinq morceaux (fig. 12).
Le chantier de PCE13 est ainsi resté inachevé : les revêtements des murs n’ont pas été posés et surtout le pavement qui aurait nécessité la pose d’un remblai amenant le niveau à la cote ± 7,30, n’a pas été réalisé. Cette interruption du chantier est certainement due aux bouleversements et dégradations qui affectent l’ensemble de DOM5 à une date dans les années 560-570.
– La réoccupation précaire de PCE13 a pu être observée de façon plus précise (fig. 9-10). Une fine couche de terre pulvérulente scelle toutes les traces du chantier de construction, jusque dans l’abside, partiellement du moins. Sont en relation avec elle la construction d’un foyer, une tranchée creusée en pleine terre et recouverte de pierres plates, une fosse avec des restes de nourriture, une grande fosse (fig. 9) qui chevauche en partie le puits sans en atteindre la dalle de fermeture. Cette dernière fosse pourrait avoir été creusée afin de rouvrir le puits et le doter d’une margelle ; quoi qu’il en soit, le grand stomion en marbre, récupéré d’un puits plus ancien, et recueilli en 2006 à proximité immédiate, était manifestement destiné à l’achèvement de l’ouvrage. Le tout est scellé par l’épaisse couche de destruction de 620, peut-être consécutive à un séisme.
L’exploration géophysique aux abords des parties fouillées de DOM5
L’exploration a été confiée au Laboratory of Exploration Geophysics de l’université Aristote de Thessalonique. Quatre parcelles ont été prospectées (fig. 14), selon plusieurs méthodes : prospection électrique, tomographie électrique (ERT = electrical resistivity tomography), prospection magnétique et géo-radar (GPR= ground probing radar). L’analyse préliminaire des résultats permet plusieurs observations relatives à DOM5 et à ses abords (fig. 15) :
– dans la partie orientale de la cour péristyle attendue de la demeure (parcelle D), il n’y a d’anomalies qu’à des altitudes compatibles avec DOM5, et apparemment plus rien en profondeur. Elles ne présentent cependant pas de forme interprétable.
– Au Nord de l’aile Nord, dans la parcelle B les anomalies linéaires coïncident avec les murs Nord-Sud que les travaux antérieurs laissaient attendre. Surtout, une anomalie linéaire Est-Ouest, parallèle au mur périmétrique Nord de DOM5 et assez près de lui, laisse attendre une organisation assez complexe des espaces à cet endroit.
– La prospection dans les parcelles A et C à l’Est de RUE1 révèle jusque dans les niveaux supérieurs la présence de nombreuses anomalies linéaires, disposées suivant des lignes perpendiculaires dont l’orientation coïncide globalement avec celle de DOM5 et du « monastère » DOM7. Ce résultat, qui doit encore être confirmé, suggère que l’îlot entre la demeure DOM5 et le « monastère » DOM7 était densément occupé. Cela modifie, au moins pour ce quartier de la ville protobyzantine, l’impression proposée naguère d’un tissu urbain lâche.
L’édifice BAT24 sous l’aile Nord de DOM5
Il s’agit d’un bâtiment dont les dimensions hors-tout restent encore inconnues, ses limites Sud et Est étant encore inaccessibles à la fouille (fig. 2). Il comporte trois pièces au moins ouvrant vers le Sud en direction sans doute d’un portique. La pièce du milieu, PCE20, coïncide avec l’emprise de la pièce équivalente de DOM5 ; la pièce occidentale, PCE64, correspond à la partie Est de PCE21, avant l’extension de DOM5 sur la rue, tandis que la pièce la plus orientale connue en l’état actuel, PCE63, débordait vers l’Est au-delà de l’emprise de PCE55.
Le premier état de cet édifice est assignable au IVe s. av. J.-C., date à laquelle on a déplacé vers le Sud la façade d’un édifice plus ancien, BAT25 ; la fondation du nouveau mur est alors réalisée en gros moellons irréguliers, soigneusement assemblés et à peu près disposés en assises, mais non parementés (fig. 15 et 16). Les remblais de terre accumulés contre cette fondation ont livré du mobilier datable de la première moitié du IVe s. av. J.-C. : une grande amphore complète, plusieurs monnaies de bronze qui s’ajoutent à celles recueillies dans le niveau équivalent d’un sondage de 1971.
Des sols de cet édifice on ne connaît guère que le niveau : ils ont disparu lors des décaissements ultérieurs. Seule la pièce centrale, PCE20, a conservé un sol datant de la longue histoire de BAT24 : il s’agit du pavement de galets, avec emblema et paillasson d’entrée (fig. 8). On a pu, en 2012, le dater plus précisément du haut empire grâce à une monnaie de la fin du Ier s. av. J.-C. et un tesson de sigillée orientale B du Ier s. apr. J.-C. recueillis dans le sondage 13 sous le radier du pavement.
À l’époque romaine impériale BAT24 a été une nouvelle fois transformé : c’est de cette époque que datent certains éléments de l’élévation en grand appareil du mur Sud décrits en 2010 – peut-être le soubassement d’orthostates avec sa moulure, certainement l’aménagement de la porte de PCE20 avec son arc. Les dernières transformations de BAT24 relèvent de son intégration dans l’aile Nord de DOM5.
On ignore encore si la mosaïque du portique (hypothétique), partiellement mise au jour en 2010, date de l’état romain impérial de BAT24 ou bien de l’intégration dans la cour centrale de DOM5.
Le prédécesseur de BAT24 : BAT25
La découverte de ce prédécesseur archaïque et classique de BAT24, sur un plan sensiblement identique, est la nouveauté principale de la campagne 2012. Il a lui aussi connu plusieurs états.
Dans le plus ancien, il s’agit d’un bâtiment ne comportant que deux pièces, qui correspondent grosso modo aux deux pièces occidentales de BAT24 (fig. 2) : PCE60 (sous PCE64) et PCE61 (sous PCE20), mais avec une façade Sud en retrait de près d’un mètre par rapport à celle de BAT24. En l’état actuel de la fouille, aucune ouverture n’est connue. De même, l’existence d’un espace transversal au Sud de ces pièces – cour, portique ou salle fermée – comme celui restitué pour BAT24 ne peut être qu’hypothétique.
La plupart des murs observés de ce BAT25 sont réalisés dans un solide appareil polygonal. Un seul sol, le plus récent, a été atteint par les sondages de cette année dans PCE60 : il est constitué de grandes dalles de gneiss, de formes irrégulières (fig. 5 et 16). Enfin, un enduit, appliqué sur le parement Ouest du refend entre PCE 60 et PCE 61, conservant des lignes et des taches de peinture rouge sur son épiderme, témoigne lui aussi d’une réfection (fig. 5).
La transformation la plus importante dans l’histoire de BAT25 est certainement l’ajout d’au moins une pièce à l’Est, PCE62 (en grande partie sous les niveaux de PCE63 puis de PCE55 : fig. 2). Ses murs Nord et Sud viennent prolonger ceux des pièces PCE60-61 préexistantes (fig. 17-18). Cette pièce orientale a elle-même connu plusieurs transformations. Les différents remblais fouillés ont livré un mobilier céramique très riche. On signale notamment un grand tesson à figure noire avec une ménade (fig. 19a), un bord de vase à relief estampé et décor peint ainsi qu’un autre, avec une inscription en alphabet parien (fig. 19b), la moitié inférieure d’un pithos installé dans un remblai. Au fond de ce pithos, on a trouvé une coupelle à une anse, datée du Ve s.
Autres travaux
Par ailleurs, on a poursuivi cette année l’examen des restes archéozoologiques recueillis en 2010 dans le volumineux dépotoir accumulé dans la pièce PCE55 pendant la dernière phase d’occupation de DOM5, entre les années 570 et la destruction de 620. Le large spectre de la faune (fig. 20), riche en oiseaux de basse-cour et sauvages, bœufs, caprinés et porcs, gibier à poils variés (cervidés, sanglier, lièvre), poissons de toutes tailles, auxquels s’ajoutent les très nombreuses huîtres, est le reflet de pratiques alimentaires de consommateurs aisés : cette constatation, en contradiction avec l’état de dégradation de DOM5 à ce moment, invite à situer ailleurs les consommateurs à l’origine de ces restes. De fait, la présence d’os de reptiles, de souris, de rat, de chauve-souris et de gastéropodes terrestres, mais aussi celle d’os digérés révélateurs d’un accès facile par des charognards, suggèrent que l’abandon de la demeure était effectif au moment de la formation du dépotoir.
Une nouvelle campagne d’étude archéobotanique a été faite en 2012. Le tamisage par flottation d’un volume significatif des sédiments de toutes les couches a permis la collecte d’un nombre non négligeable d’échantillons botaniques, moins nombreux cependant dans les niveaux protobyzantins que dans les niveaux plus anciens.
Les contextes anciens (classiques et archaïques) ont livré figue, raisin, fève, millet, orge vêtue, blé, noix, lentilles. La présence de mauvaises herbes est révélatrice d’activités de traitement des récoltes. Dans les contextes protobyzantins de DOM5 ont été recueillis olives, raisin, blé, sureau, amande, millet, orge, fève et laîche (carex). La présence de cette dernière, la seule espèce non cultivée, pourrait s’expliquer par un usage médicinal.
En parallèle à la fouille, l’étude de la céramique s’est poursuivie au musée. Une campagne de photographie aérienne, par ballon, a été réalisée en fin de fouille (fig. 21).
Les résultats obtenus concernent principalement la RUE4 en bordure occidentale de DOM5, les ailes Nord et Est de la demeure et la succession des édifices BAT24, reconnu en 2010, et son prédécesseur BAT25. La période couverte par ces résultats va du VIe s. av. J.-C. à 620 apr. J.-C. (fg. 2).
La RUE4. - Les sondages 7 et 14 de part et d’autre du mur le plus occidental de DOM5 ont permis de reconnaître ponctuellement quelques états de la voie qui menait des abords du Poseidonion et du Dionysion au Nord vers l’agora des Charites au Sud, d’où elle se prolongeait dans la grande voie vers l’Hérakleion. On distingue ainsi, du plus ancien au plus récent :
– un passage large d’environ 6 m entre le péribole oriental du Dionysion et le mur occidental de BAT25 puis de BAT24 puis du premier état de DOM5 ; de cet état on ne connaît qu’une dense succession de sols anciens apparemment d’époque archaïque, en fait de simples indurations au sommet de remblais de sables et graviers, souvent de faible épaisseur (fig. 3). Ce remblaiement est sans doute l’effet du colluvionnement qui a fait remonter rapidement le niveau du sol.
– à l’époque protobyzantine, un profond décaissement a fait disparaître les couches des époques classique à romaine impériale et a ramené le niveau dans cette voie à la cote ca 5,10 m ; un égout de construction sommaire a alors été posé dans cette voie (fig. 4). Ces travaux pourraient être contemporains de l’installation de DOM5 et plus précisément, à cet endroit, de la transformation de BAT24 intégré dans DOM5.
– peu après, l’agrandissement de la pièce PCE21 a débordé sur la rue, ce qui a réduit de moitié environ la largeur de la voie (fig. 2). Le même phénomène d’extension de DOM5 au détriment des voies et espaces publics a été observé dans l’aile Est et dans l’aile Sud.
– ainsi réduite à ca 3 m de largeur, la RUE4 n’a manifestement plus été entretenue : c’est ce que montre la succession de remblais terreux, de couleur brune ou très noire, encore apportés par le colluvionnement, sur une épaisseur d’environ 1,70 m. Les quelques niveaux de circulation observables ne présentent aucun aménagement.
Principaux résultats concernant DOM5
La campagne 2012 a apporté des informations nouvelles sur l’installation et surtout sur les agrandissements et les dernières phases d’occupation de la demeure.
L’aile Nord. - L’analyse architecturale permettra de distinguer, dans les maçonneries de l’aile Nord de DOM5, ce qui relève du dernier état de BAT24 d’époque impériale, de ce qui relève de l’installation de DOM5 au début du Ve s. En l’état actuel, on peut rattacher à cette dernière une série de transformations, liées à la redistribution des espaces. Entre les pièces PCE21 et PCE20, un mur de refend a été reconstruit en petit appareil lié au mortier de chaux sur un mur plus ancien, en appareil polygonal, mais avec une orientation légèrement divergente (fig. 5). La pièce orientale de BAT24, PCE63, a été réduite de façon sensible à l’Est par la construction d’un nouveau mur de refend, qui délimite la nouvelle pièce PCE55 de DOM5, plus étroite (fig. 6). Inversement, à l’Ouest, DOM5 s’est étendue au-delà de l’emprise de BAT24 avec l’annexion d’une surface (ESP59) gagnée par empiétement sur la RUE4 pour former la grande pièce PCE21 (fig. 7). Cette extension de DOM5 vers l’Ouest pourrait être contemporaine de l’agrandissement du triklinos PCE13 avec l’ajout de l’abside.
Dans la pièce PCE20, on a mis en évidence, sur l’ensemble de sa surface, le pavement de galets déjà partiellement connu, avec sa grande lacune quadrangulaire à l’emplacement d’un emblema disparu. On a ainsi pu dater du courant du VIe s., sans doute après la dégradation de DOM5 dans les années 570, la récupération de l’emblema, qui a laissé une fosse rectangulaire relativement profonde (fig. 7-8). Le pavement de galets est resté en usage jusqu’à la destruction finale de la demeure en 620. L’ensemble du pavement a été systématiquement consolidé. Par ailleurs, on a achevé la restauration de la mosaïque de la pièce PCE21, déposée en 2010.
L’aile Est. - Depuis 2004, le triklinos (PCE65/PCE13) a posé de nombreuses difficultés en raison de l’absence du pavement attendu correspondant à un état « monumental », les derniers sols se trouvant à une cote sensiblement plus basse. La fouille de 2012 a permis d’établir l’inachèvement de cet espace. Deux phases principales prennent place entre les années 560-570 et la destruction de 620 de notre ère.
– Le chantier de la transformation de la pièce PCE65, de plan rectangulaire et fermée à l’Ouest par un mur, en triklinos PCE13 avec abside a comporté des opérations lourdes : décaissement des niveaux de sol ; arasement du mur de fond ; construction de l’abside outrepassée et réalisation du gros œuvre du nouvel espace PCE13, couverture en cul de four de l’abside comprise. Ces opérations s’accompagnent de la formation d’un sol de travail. Un ensemble de nombreux trous de poteaux avec pierres de calage encore en place, souvent entourés d’empreintes d’étais, retrouvés sur presque toute la surface de la pièce (fig. 10), peut être mis en rapport avec cette activité de construction : il doit s’agir de traces d’échafaudages. Un autre ensemble de traces – des lits compacts de cendres et des lambeaux de sols rubéfiés, quelques fosses et canaux remplis de charbons et de scories – témoigne d’une production métallurgique, qui doit elle aussi être en relation avec le chantier de construction.
Parallèlement à ces travaux, un puits profond de plus de 6 m et d’un diamètre d’environ 1,60 m a été installé à peu près au centre de l’abside. Son cuvelage est construit dans un appareil grossier de petits blocs derrière lequel ont été accumulées des pierres (fig. 11). Cet ouvrage, encore en eau aujourd’hui, est resté lui aussi inachevé : il a été simplement fermé d’une grande dalle en marbre, retrouvée brisée en cinq morceaux (fig. 12).
Le chantier de PCE13 est ainsi resté inachevé : les revêtements des murs n’ont pas été posés et surtout le pavement qui aurait nécessité la pose d’un remblai amenant le niveau à la cote ± 7,30, n’a pas été réalisé. Cette interruption du chantier est certainement due aux bouleversements et dégradations qui affectent l’ensemble de DOM5 à une date dans les années 560-570.
– La réoccupation précaire de PCE13 a pu être observée de façon plus précise (fig. 9-10). Une fine couche de terre pulvérulente scelle toutes les traces du chantier de construction, jusque dans l’abside, partiellement du moins. Sont en relation avec elle la construction d’un foyer, une tranchée creusée en pleine terre et recouverte de pierres plates, une fosse avec des restes de nourriture, une grande fosse (fig. 9) qui chevauche en partie le puits sans en atteindre la dalle de fermeture. Cette dernière fosse pourrait avoir été creusée afin de rouvrir le puits et le doter d’une margelle ; quoi qu’il en soit, le grand stomion en marbre, récupéré d’un puits plus ancien, et recueilli en 2006 à proximité immédiate, était manifestement destiné à l’achèvement de l’ouvrage. Le tout est scellé par l’épaisse couche de destruction de 620, peut-être consécutive à un séisme.
L’exploration géophysique aux abords des parties fouillées de DOM5
L’exploration a été confiée au Laboratory of Exploration Geophysics de l’université Aristote de Thessalonique. Quatre parcelles ont été prospectées (fig. 14), selon plusieurs méthodes : prospection électrique, tomographie électrique (ERT = electrical resistivity tomography), prospection magnétique et géo-radar (GPR= ground probing radar). L’analyse préliminaire des résultats permet plusieurs observations relatives à DOM5 et à ses abords (fig. 15) :
– dans la partie orientale de la cour péristyle attendue de la demeure (parcelle D), il n’y a d’anomalies qu’à des altitudes compatibles avec DOM5, et apparemment plus rien en profondeur. Elles ne présentent cependant pas de forme interprétable.
– Au Nord de l’aile Nord, dans la parcelle B les anomalies linéaires coïncident avec les murs Nord-Sud que les travaux antérieurs laissaient attendre. Surtout, une anomalie linéaire Est-Ouest, parallèle au mur périmétrique Nord de DOM5 et assez près de lui, laisse attendre une organisation assez complexe des espaces à cet endroit.
– La prospection dans les parcelles A et C à l’Est de RUE1 révèle jusque dans les niveaux supérieurs la présence de nombreuses anomalies linéaires, disposées suivant des lignes perpendiculaires dont l’orientation coïncide globalement avec celle de DOM5 et du « monastère » DOM7. Ce résultat, qui doit encore être confirmé, suggère que l’îlot entre la demeure DOM5 et le « monastère » DOM7 était densément occupé. Cela modifie, au moins pour ce quartier de la ville protobyzantine, l’impression proposée naguère d’un tissu urbain lâche.
L’édifice BAT24 sous l’aile Nord de DOM5
Il s’agit d’un bâtiment dont les dimensions hors-tout restent encore inconnues, ses limites Sud et Est étant encore inaccessibles à la fouille (fig. 2). Il comporte trois pièces au moins ouvrant vers le Sud en direction sans doute d’un portique. La pièce du milieu, PCE20, coïncide avec l’emprise de la pièce équivalente de DOM5 ; la pièce occidentale, PCE64, correspond à la partie Est de PCE21, avant l’extension de DOM5 sur la rue, tandis que la pièce la plus orientale connue en l’état actuel, PCE63, débordait vers l’Est au-delà de l’emprise de PCE55.
Le premier état de cet édifice est assignable au IVe s. av. J.-C., date à laquelle on a déplacé vers le Sud la façade d’un édifice plus ancien, BAT25 ; la fondation du nouveau mur est alors réalisée en gros moellons irréguliers, soigneusement assemblés et à peu près disposés en assises, mais non parementés (fig. 15 et 16). Les remblais de terre accumulés contre cette fondation ont livré du mobilier datable de la première moitié du IVe s. av. J.-C. : une grande amphore complète, plusieurs monnaies de bronze qui s’ajoutent à celles recueillies dans le niveau équivalent d’un sondage de 1971.
Des sols de cet édifice on ne connaît guère que le niveau : ils ont disparu lors des décaissements ultérieurs. Seule la pièce centrale, PCE20, a conservé un sol datant de la longue histoire de BAT24 : il s’agit du pavement de galets, avec emblema et paillasson d’entrée (fig. 8). On a pu, en 2012, le dater plus précisément du haut empire grâce à une monnaie de la fin du Ier s. av. J.-C. et un tesson de sigillée orientale B du Ier s. apr. J.-C. recueillis dans le sondage 13 sous le radier du pavement.
À l’époque romaine impériale BAT24 a été une nouvelle fois transformé : c’est de cette époque que datent certains éléments de l’élévation en grand appareil du mur Sud décrits en 2010 – peut-être le soubassement d’orthostates avec sa moulure, certainement l’aménagement de la porte de PCE20 avec son arc. Les dernières transformations de BAT24 relèvent de son intégration dans l’aile Nord de DOM5.
On ignore encore si la mosaïque du portique (hypothétique), partiellement mise au jour en 2010, date de l’état romain impérial de BAT24 ou bien de l’intégration dans la cour centrale de DOM5.
Le prédécesseur de BAT24 : BAT25
La découverte de ce prédécesseur archaïque et classique de BAT24, sur un plan sensiblement identique, est la nouveauté principale de la campagne 2012. Il a lui aussi connu plusieurs états.
Dans le plus ancien, il s’agit d’un bâtiment ne comportant que deux pièces, qui correspondent grosso modo aux deux pièces occidentales de BAT24 (fig. 2) : PCE60 (sous PCE64) et PCE61 (sous PCE20), mais avec une façade Sud en retrait de près d’un mètre par rapport à celle de BAT24. En l’état actuel de la fouille, aucune ouverture n’est connue. De même, l’existence d’un espace transversal au Sud de ces pièces – cour, portique ou salle fermée – comme celui restitué pour BAT24 ne peut être qu’hypothétique.
La plupart des murs observés de ce BAT25 sont réalisés dans un solide appareil polygonal. Un seul sol, le plus récent, a été atteint par les sondages de cette année dans PCE60 : il est constitué de grandes dalles de gneiss, de formes irrégulières (fig. 5 et 16). Enfin, un enduit, appliqué sur le parement Ouest du refend entre PCE 60 et PCE 61, conservant des lignes et des taches de peinture rouge sur son épiderme, témoigne lui aussi d’une réfection (fig. 5).
La transformation la plus importante dans l’histoire de BAT25 est certainement l’ajout d’au moins une pièce à l’Est, PCE62 (en grande partie sous les niveaux de PCE63 puis de PCE55 : fig. 2). Ses murs Nord et Sud viennent prolonger ceux des pièces PCE60-61 préexistantes (fig. 17-18). Cette pièce orientale a elle-même connu plusieurs transformations. Les différents remblais fouillés ont livré un mobilier céramique très riche. On signale notamment un grand tesson à figure noire avec une ménade (fig. 19a), un bord de vase à relief estampé et décor peint ainsi qu’un autre, avec une inscription en alphabet parien (fig. 19b), la moitié inférieure d’un pithos installé dans un remblai. Au fond de ce pithos, on a trouvé une coupelle à une anse, datée du Ve s.
Autres travaux
Par ailleurs, on a poursuivi cette année l’examen des restes archéozoologiques recueillis en 2010 dans le volumineux dépotoir accumulé dans la pièce PCE55 pendant la dernière phase d’occupation de DOM5, entre les années 570 et la destruction de 620. Le large spectre de la faune (fig. 20), riche en oiseaux de basse-cour et sauvages, bœufs, caprinés et porcs, gibier à poils variés (cervidés, sanglier, lièvre), poissons de toutes tailles, auxquels s’ajoutent les très nombreuses huîtres, est le reflet de pratiques alimentaires de consommateurs aisés : cette constatation, en contradiction avec l’état de dégradation de DOM5 à ce moment, invite à situer ailleurs les consommateurs à l’origine de ces restes. De fait, la présence d’os de reptiles, de souris, de rat, de chauve-souris et de gastéropodes terrestres, mais aussi celle d’os digérés révélateurs d’un accès facile par des charognards, suggèrent que l’abandon de la demeure était effectif au moment de la formation du dépotoir.
Une nouvelle campagne d’étude archéobotanique a été faite en 2012. Le tamisage par flottation d’un volume significatif des sédiments de toutes les couches a permis la collecte d’un nombre non négligeable d’échantillons botaniques, moins nombreux cependant dans les niveaux protobyzantins que dans les niveaux plus anciens.
Les contextes anciens (classiques et archaïques) ont livré figue, raisin, fève, millet, orge vêtue, blé, noix, lentilles. La présence de mauvaises herbes est révélatrice d’activités de traitement des récoltes. Dans les contextes protobyzantins de DOM5 ont été recueillis olives, raisin, blé, sureau, amande, millet, orge, fève et laîche (carex). La présence de cette dernière, la seule espèce non cultivée, pourrait s’expliquer par un usage médicinal.
En parallèle à la fouille, l’étude de la céramique s’est poursuivie au musée. Une campagne de photographie aérienne, par ballon, a été réalisée en fin de fouille (fig. 21).
Auteur de la notice
Catherine Bouras
Références bibliographiques
D’après A. Muller, dans le rapport d’activités de l’Ecole française d’Athènes en 2012.
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Date de création
2013-07-09 00:00:00
Dernière modification
2022-04-04 14:53:01
Figure(s)
Fig. 1/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision. Situation des opérations de terrain 2012 (Plan TK-MWK).
Fig. 2/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, évolution schématique du bâti dans la partie Nord de l’ILO5, du VIe s. av. J.C. au VIIe s. apr. J.-C. (série de croquis MVK)
Fig. 3/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, RUE4, succession de remblais naturels et d’indurations (sondage 4, extrémité Sud)
Fig. 5/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE21 / PCE64 / PCE60 : le mur Est, parement Ouest ; superposition de MUR225 et MUR98 ; dallage de PCE60 (sondage 9)
Fig. 7/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE20 et PCE21, formée de la réunion de PCE64 et de ESP59 gagné sur la RUE4 ; en limite de fouille, le nouveau mur de terrasse MUR223 ; vue vers le Sud-Ouest.
Fig. 8/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE20 en fin de fouille, avec les sondages 12 (remblayé) à l’emplacement de l’emblema et 13 contre le seuil ; vue vers le Sud.
Fig. 9/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE13, trous de poteau et fosses diverses : traces d’échafaudages et d’une activité métallurgique ; vue partielle, partie centrale de la pièce, en cours de fouille.
Fig. 10/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE13, trous de poteau et fosses diverses : traces d’échafaudages et d’une activité métallurgique ; vue d’ensemble vers l’Est, en fin de fouille.
Fig. 12/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, Le puits PUI229 : la dalle de fermeture en cours de dégagement.
Fig. 14/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, Prospection géophysique : présentation synthétique des résultats.
Fig. 15/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE21/PCE64 : le MUR53, parement Nord, et sa fondation ; PCE60 : le MUR222 + MUR235 (sondages 9 et 15).
Fig. 16/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE64/PCE60, angle Sud-Est (sondage 9) : les MUR53 et MUR222.
Fig. 17/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, PCE55/PCE63/PCE62, mur Ouest, parement Est : superposition des différents états du MUR196.
Fig. 20/ Thasos, Abords Nord de l'Artémision, échantillon des restes de poisson et de gibier du dépotoir DEP214 (a : opercule de carpe ; b : épine de nageoire de cyprinidé ; c :vertèbre précaudale de mérou ; d : vertèbre caudale d’un représentant de la famille des thons ; e : mandibule de sanglier ; f : métatarse de daim.