THASOS. - Domus protobyzantine - 2011

Aux abords Nord de l’Artémision (DOM 5), la campagne de 2011 (A. Muller, Lille 3/EfA, Fr. Blondé, CNRS/EfA, Pl. Pétridis, Université d’Athènes/EfA, & St. Dadaki, 12^e EBA) s’est attachée à étudier au musée le matériel de la fouille de 2010, à restaurer le pavement de mosaïque de la pièce 21 et à poursuivre l’analyse architecturale du bâti entreprise en 2009 sur les ailes Est et Nord de la demeure (fig. 1).

Cette campagne a permis d’observer de manière plus précise les techniques de construction de l'édifice reconnu en 2010 sous les pièces de l’aile Nord de la domus et vraisemblablement daté de l’époque impériale (BAT24). Il s’agirait d’une façade en grand appareil remployant des blocs anciens retaillés avec soin et des maçonneries avec mortier de chaux blanc. Le résultat principal des analyses du bâti consiste en l’identification d’états anciens dans la plupart des murs de l’aile Nord : l’édifice BAT24 a connu plusieurs phases d’aménagement antérieures depuis l’époque archaïque, sur le même plan. Des sondages profonds permettront de dater précisément ces murs, dont on ne voit pour l’instant qu’un état en appareil polygonal (fig. 2).

Cette complexité de l’histoire du bâti apparaît déjà de façon exemplaire en deux endroits :

- dans la pièce 21, un sondage de 1971 avait révélé une succession d’états du mur Ouest qui remontait au VII^e s. av. J.-C. L’examen du mur dans l’angle Sud-Est a montré un état polygonal, recouvert ensuite d’un épais enduit, contre lequel a été accumulé plus tard un important remblai de terre brune (fig. 3). Celui-ci renfermait une dizaine de monnaies contemporaines du trésor du début du IV^e s. av. J.-C. qui avait été trouvé dans la même position stratigraphique dans le sondage de 1971.

- dans la pièce 55, à l’Est, on distingue au moins six états entre le VI^e s. av. J.-C. et le VII^e s. apr. J.-C. (fig. 2) ; deux sols sont représentés par des ensembles couche+interface ; deux autres sols « fantômes », emportés par des décaissements ultérieurs, se lisent dans les particularités des maçonneries des murs (saillie de fondation, seuil).

La campagne de sondages 2012 sous les sols de la demeure devra répondre à la question de l’identification de ces antécédents : s’agit-il d’un seul édifice, public ou religieux, entre le Dionysion et l’Artémision et à proximité de l’agora archaïque, ou d’un ensemble de maisons mitoyennes ? On peut en effet remarquer que l’emprise de l’aile Nord de DOM5 correspond à la largeur totale de trois modules des maisons archaïques reconnus dans l’îlot II du quartier de la Porte d’Hermès.

En revanche, sous la moitié Sud de DOM5, les sondages pratiqués depuis 1985 sous le sol de plusieurs pièces ont montré l’existence de constructions anciennes – archaïques et classiques – dont les murs n’ont été repris par aucun de ceux de DOM5.

 

L’analyse du bâti a également confirmé l’existence de plusieurs phases d’aménagement pour la pièce 13 qui correspond au triclinos : on a établi un premier état, sans abside, mais empiétant sur les trois quarts de la rue à l’Est de la demeure ; dans une seconde phase, qui pourrait être contemporaine de l’aménagement de l’ensemble thermal dans l’aile Sud, une abside est ajoutée ; elle déborde de la largeur de l’ancienne rue. Dans la partie occidentale de la pièce, l’observation des murs et des lits d’attentes indiquerait la présence de marches qui permettaient de franchir le dénivelé entre les sols à cet endroit. Cet escalier aurait été démonté dans un deuxième état pour le remplacer par un mur.

La datation du pavement de mosaïque de la pièce 21, au début ou dans la première moitié du V^e s., a pu être établie grâce à un tesson de sigillée africaine ARS 62/64 recueilli dans l’épaisseur du substrat de mortier rose, ainsi qu’à quelques monnaies (Valens ou co-empereur : 364-377 ; Théodose : 383-395) trouvées immédiatement sous le substrat de la mosaïque.

Le réaménagement du sol de la pièce 55 (à un niveau identique à ceux des pièces 20 et 21) a pu être attribué à la période protobyzantine grâce à des monnaies recueillies dans l’épaisseur du sol en terre battue (les plus récentes datent de Léon : 457-474), sur le sol et dans le remblai qui le recouvrent (Justin ou Justinien : 518-538 et un pentanoummion du VI^e s, respectivement) ainsi que dans le dépotoir qui recouvre le remblai (deux Justin II : 565-578). Cette séquence cadre parfaitement avec la datation proposée jusqu’ici pour l’importante dégradation de la demeure autour de 570.

 

Plusieurs vases complets appartenant à la dernière phase d’utilisation de la demeure (début du VII^e s. apr. J.-C.) ont pu être reconstitués : des assiettes de sigillée phocéenne, des amphores (LRA 1 et 2 et un mini spatheion, - fig. 4-5). Les résultats d’une première série d’analyses par fluorescence-X d’échantillons de céramique culinaire prélevés en 2009 en 2010 ont été exploités : on a identifié les culinaires fabriquées à Thasos (pâtes micacées) mais les fréquentes pâtes kaoliniques ne peuvent pas être attribuées à l’île dans l’état actuel de la recherche. Des importations du type « Aegean ware » renvoient à Phocée et Éphèse.

L’étude diachronique et comparative des restes de faune confirme les résultats acquis jusqu’à présent sur la diète dans la dernière phase d’occupation de la demeure (fin VI^e – début VII^e s.) : on observe que le mouton et la chèvre sont les animaux les plus fréquemment consommés au cours des deux périodes mais des différences notables apparaissent entre ces deux occupations avec une place plus importante du bœuf à l’époque archaïque et une forte proportion de porc, une augmentation du gibier et une diversité des ressources avicoles et piscicoles dans les niveaux protobyzantins.