ÉRÉTRIE ANTIQUE. - Temple d'Apollon Daphnéphoros, Théâtre et Secteur E/600/NW - 1998
En 1998, les recherches se sont poursuivies dans le terrain situé entre le Gymnase et la Maison aux mosaïques (secteur E/600/NW) sous la direction de S. G. Schmid ; dans le théâtre sous la direction de H.-P. Isler ; un troisième chantier a été ouvert par S. Verdan au Sud du Temple d'Apollon Daphnéphoros.
1) Secteur E/600/NW. — L'objectif de la campagne était de réunir les sondages ouverts les deux années précédentes (fig. 150). Ce travail a permis de dégager un nouveau tronçon de la rue Est-Ouest, où l'on a identifié une chaussée d'époque archaïque et deux chaussées hellénistiques.
On peut désormais proposer une séquence chronologique de l'occupation dans ce secteur.
— Dans une première phase, la région située au Sud de la rue était couverte de constructions, érigées au début de l'époque hellénistique ; leur mobilier est contemporain du comblement du puits fouillé en 1996 (v. BCH 122 [1998] Chron., p. 924) et de la couche de destruction de la Maison aux mosaïques. Le terminus post quem fourni par le trésor monétaire extrait du puits, et dont l'enfouissement est lié à la guerre chrémonidienne (267-261 av. J.-C), est aussi le terminus post quem de la première phase de construction. Celle-ci se subdivise en deux horizons, dont le premier (IIIe ou IIe s. av. J.-C.) est associé à une mosaïque de galets tricolore qui devait paver un andrôn ; elle fut détruite lors de l'aménagement de l'horizon suivant, qui ne s'accompagna pas de changements notoires. Plusieurs trouvailles indiquent que la destruction de la première phase est contemporaine de la première guerre contre Mithridate (88-86 av. J.-C.) : des fragments de bols mégariens et de sigillée orientale du début du Ier s. av. J.-C, un tétradrachme en argent frappé par Sylla en 86 av. J.-C. et un projectile en plomb.
— La deuxième phase, à laquelle on ne peut rattacher que quelques murs, semble avoir été de courte durée.
— La troisième phase, elle aussi subdivisée en deux horizons, date de l'époque impériale. Tout le secteur semble avoir alors été bâti (fig. 151). Parmi les rares trouvailles, on mentionne une monnaie de Crispina, épouse de Commode (178-188 ap. J.-C), et une ancre en poros trouvée près d'un des deux bassins dégagés en 1997 et rattachés à l'atelier textile (v. ibid.). On restitue, dans le premier horizon, un vaste espace couvert, qui fut transformé en cour dans l'horizon suivant.
Au Nord de la rue Est-Ouest, la fouille a mis au jour une structure circulaire en brique crue d'époque romaine interprétée comme un four (peut-être en relation avec l'atelier textile), bien qu'on n'y ait relevé aucune trace d'utilisation (fig. 152). Une fois abandonnée, cette structure fut comblée à l'aide des déblais d'un grand édifice voisin, qui recelaient plusieurs centaines de vases en verre d'époque romaine (Ier-IIe s. ap. J.-C), cruches et lacrymatoires pour l'essentiel.
On mentionne enfin la découverte de deux tombes paléochrétiennes.
2) Théâtre. — Outre le relevé détaillé des vestiges, on a poursuivi les travaux entrepris en 1997 dans le koilon, la partie Ouest de l'orchestra et le bâtiment de scène, tandis qu'une équipe de l'École polytechnique de Zurich (Institut de protection du patrimoine) a préparé un projet d'anastylose du monument, visant à ouvrir le théâtre au public et éventuellement à lui rendre sa fonction.
Les mesures altimétriques ont montré que le terrain, avant la construction du théâtre, était irrégulier. Le koilon comptait trente rangées de gradins, auxquelles s'ajoutaient, à la partie supérieure, cinq ou six rangées de gradins plans, sans doute destinés à des spectateurs debout.
Dans la partie Ouest de l'orchestra, on a fouillé la suite du canal d'évacuation (v. ibid.), qui traverse le mur d'analemma sous le paraskènion Ouest ; il devait se déverser dans un égout, dégagé à la fin du XIXe siècle par les Américains près du temple de Dionysos. Le canal est conservé dans sa forme originelle mais sa couverture a été refaite. Le sol de l'orchestra et des parodoi était constitué d'une couche de chaux surmontée d'une couche compacte de terre et sable, vraisemblablement liée à l'utilisation du théâtre comme arène. La présence de trous dans le sol et aux extrémités de l'euripe suggère l'utilisation d'un velum. Sur le mur de l'euripe sont conservées des peintures murales, décrites par les Américains dans leurs rapports.
Les investigations dans le bâtiment de scène ont montré qu'une bonne partie de celui-ci avait été dégagée jusqu'aux fondations par les fouilles américaines. Dans la pièce 4, la fouille a mis au jour une tombe sans offrandes, vraisemblablement paléochrétienne, déjà partiellement fouillée. L'étude stratigraphique des anciens sondages fournit quelques informations sur les trois états architecturaux du bâtiment :
— État 1 : le bâtiment comporte cinq pièces ; les paraskènia ne sont pas subdivisés ; il existe des traces d'un édifice antérieur à la première scène, mais dont la construction ne fut jamais achevée.
— État 2 : le couloir voûté sous le bâtiment de scène est aménagé directement sur le sol vierge ; les sols de la scène sont les mêmes que dans l'état précédent ; le mur du proskènion, comme celui de l'état 1, repose sans fondation sur le sol naturel.
— État 3 : c'est à cet état qu'appartient presque tout le mur Sud, dans son état actuel.
3) Sanctuaire d'Apollon Daphnéphoros. — On a repris les investigations après cinq ans d'interruption, en ouvrant trois sondages au Sud-Ouest du temple. L'intervention avait un double objectif : reconnaître l'état des couches archéologiques dans un secteur encore quasiment inexploré ; relier par une longue coupe stratigraphique le temple du VIe s. av. J.-C. aux installations artisanales fouillées en 1955-1956 par I. Konstantinou au Sud-Ouest (ν. ΒCH 80 [1956] Chron., p. 299 – où la fouille est située par erreur au Nord – et 81 [1957] Chron., p. 588-590), plus précisément au mur interprété comme péribole.
Sous d'épaisses couches perturbées sont apparus deux murs du Géométrique Récent parallèles au stylobate Sud-Ouest du temple du VIe s. ; ils délimitent trois espaces aux caractéristiques différentes : entre le temple et le premier mur, des « niveaux de marche » parfaitement horizontaux et dépourvus de toute structure ; entre les deux murs, des dépôts de sable et de graviers alternant avec des niveaux indurés ; au Sud-Ouest du second mur, plusieurs couches d'occupation riches en structures (fosse, trous de poteaux, foyer, cercle de pierres) et en céramique datant pour l'essentiel du Géométrique Récent, avec quelques fragments plus anciens, dont l'un est décoré sur l'épaule de cercles concentriques (IXe s. av. J.-C). Dans l'état actuel des recherches, il semble que le mur le plus proche du temple marquait la limite Sud du sanctuaire à l'époque géométrique, tandis que l'autre délimitait une zone de fonction différente (habitat ?) s'étendant vers le Sud, l'espace entre les deux murs ayant été comblé peu à peu par des dépôts de ruissellement.
Près du mur de « péribole », les couches géométriques étaient entamées par une fosse dont le remplissage a livré de nombreuses terres cuites architecturales d'époque archaïque pouvant provenir d'un édifice public important, peut-être le temple détruit par les Perses en 490.
Les installations artisanales hellénistiques fouillées naguère ont été nettoyées. Le péribole devait également servir de mur de terrasse, les ateliers se trouvant à une altitude inférieure aux niveaux contemporains à l'intérieur du sanctuaire. Le mur s'interrompt, sans que l'on puisse encore déterminer s'il s'agit d'une ouverture volontaire ou si c'est le fait de perturbations postérieures.
Un rapport préliminaire sur l'ensemble de ces travaux est publié dans AK 42 (1999), p. 116-125 et pl. 20.
S. G. Schmid présente l'atelier textile et le four d'époque romaine évoqués ci-dessus, profitant de cette découverte pour donner une vue d'ensemble de l'Érétrie romaine. JRA 12 (1999), p. 273-293.
Mentionnons aussi la publication, par K. Reber, du vol. X de la série Eretria : fouilles et recherches, volume intitulé Die klassischen und heUenistischen Wohnhäuser im Westquartier (1998).
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