ÉRÉTRIE ANTIQUE. - Temple d'Apollon Daphnéphoros et Secteur E/600/NW - 2000
En 2000, les recherches se sont poursuivies pour la cinquième14 année consécutive dans le secteur E/600/NW, sous la direction de S. G. Schmid, et pour la troisième année au Sud du temple d'Apollon Daphnéphoros, sous la direction de S. Verdan ; une deuxième campagne de prospection a été conduite aux abords de la ville, sous la conduite de P. Simon.
1) Secteur E/600/NW (fig. 192). — Du côté Nord de la rue Est-Ouest on a achevé l'exploration de l'édifice qui, dans son dernier état, doit probablement être identifié comme un Sébasteion ou temple dédié au culte impérial (v. BCH 124 [2000] Chron., p. 968). Un sondage profond a révélé, dans le niveau archaïque, une structure en brique crue presque circulaire interprétée comme un four, près duquel a été trouvée une perle triangulaire en verre (fig. 193). Contrairement à ce que l'on croit généralement, cet objet ne serait pas d'origine phénicienne mais locale car on en a retrouvé un grand nombre en Eubée ou dans des villes en rapport avec l'activité commerciale eubéenne.
La poursuite de la fouille a confirmé qu'un petit mur oblique (M 49) (fig. 194), partiellement dégagé l'année précédente à l'Ouest de l'édifice, reliait celui-ci au long mur (M 3/34) qui borde la rue Est-Ouest. Au Nord de ce long mur, on a partiellement dégagé un bâtiment rectangulaire d'époque romaine (fig. 195) dont on ignore la destination exacte mais qui fait penser à des latrines, à une étable ou à une installation artisanale. Cette dernière hypothèse est renforcée par la présence d'une canalisation et d'un bothros, ainsi que d'autres aménagements de ce type dans les parages (v. BCH 123 [1999] Chron., p. 790).
De nouveaux segments du puissant mur en gros moellons (ST 8), parallèle au mur M 3 mais en contrebas, permettent de préciser son tracé : vers l'Est ce mur, qui devait border la rive Nord du torrent repéré à cet endroit (v. BCH 122 [1998] Chron., p. 924), oblique vers le Sud. Du mur parallèle bordant le torrent au Sud (M 21) on n'a repéré qu'un petit segment (carré HI-2) mais les habitations étant beaucoup plus denses de ce côté de la rue (v. BCH 123 [1999] Chron., p. 790), on suppose que les pierres de ce mur furent en grande partie réutilisées dans les constructions.
Dans la partie Nord-Ouest de la rue centrale (carré B-4), on a repris et achevé la fouille du puits hellénistique (ST 13) dégagé en 1996 (v. BCH 122 [1998] Chron., p. 924). Ses éléments cylindriques en terre cuite portaient des lettres déterminant leur emplacement (fig. 196) et ils étaient pourvus de scellements en plomb sur les deux faces (même technique que celle du puits du Dipylon).
2) Sanctuaire d'Apollon Daphnéphoros (fig. 197).
— Édifice absidal. Le plan de cet édifice (v. BCH 124 [2000] Chron., p. 968) est maintenant presque entièrement mis au jour. Du premier état on a repéré les trous de poteaux du mur de façade (M 10). On a aussi noté plusieurs analogies techniques avec le temple d'Apollon : un trou de poteau situé à 2 m de l'angle Nord-Est, dans le prolongement du mur Nord, suggère la présence d'un auvent qui donnerait au bâtiment des dimensions analogues à celles du temple voisin ; à l'intérieur de l'abside on a dégagé un socle de pierres enduites d'argile. Contrairement à ce que l'on avait supposé, le deuxième état ne correspond pas à une maison rectangulaire (v. ibid.) mais absidale aussi. À cet état appartient une structure remarquable, qui fournit une indication précieuse sur la fonction de l'édifice : il s'agit d'une plate-forme carrée en argile (côté 0,75 m, haut. 0,10 m) située au fond de l'abside (fig. 198) et supportant le pied d'un grand cratère in situ. On note d'autre part que, contrairement aux constructions avoisinantes, cet édifice n'est pas orienté vers le Sud mais vers le Nord-Est, en direction de l'autel (v. plan fig. 197) : la relation entre ces deux structures – et avec le temple, axé sur le même autel – est indéniable. L'hypothèse d'un complexe architectural à fonction exclusivement cultuelle, ou d'un temple articulé à une demeure (celle d'un prêtre ou d'un chef) ne peut être écartée.
— Bordure Sud-Ouest. Un long mur (M 3) dégagé à l'Ouest de la maison absidale fait partie des premières constructions d'époque géométrique dans ce secteur. Parallèle au mur 19 qui marque la limite Nord-Est de cette zone méridionale du sanctuaire, il fut sans doute élevé pour délimiter la même zone du côté Sud-Ouest et la protéger contre des inondations. Le mur Nord-Sud (M 5), construit ultérieurement, témoigne de plusieurs phases d'aménagement.
— Mobilier des fosses. En dehors du mobilier votif exhumé dans l'« aire sacrificielle », le matériel recueilli dans la zone du sanctuaire est composé pour l'essentiel par la céramique provenant de plusieurs fosses (trois ont été vidées en 1999-2000 et une quatrième attend d'être fouillée). Contrairement à la céramique de « l'aire sacrificielle », elle ne présente pas à première vue de caractère votif et évoque davantage un faciès d'habitat : les vases liés à la consommation du vin prédominent, accompagnés d'une céramique grossière.
3) Prospection. — La prospection dans le territoire de la cité s'est poursuivie, pour la deuxième année consécutive, sur 625 ha en direction de Chalcis ainsi que vers le Nord de la plaine érétrienne (fig. 199). Les résultats ont apporté des réponses à des questions qui occupaient depuis longtemps les fouilleurs d'Érétrie.
— L'eau. La découverte de plusieurs aménagements hydrauliques a confirmé l'hypothèse d'une canalisation contournant l'acropole à l'Ouest et débouchant au Nord-Ouest du gymnase. En effet, des creusements dans la roche observés dans deux vallons au Nord de l'acropole suggèrent la présence de deux conduites indépendantes débutant à environ 1 km au Nord de la cité et se réunissant peu après ; leur tracé a été repris par une canalisation du début du XXe s. (fig. 199 : 1).
— La pierre. Deux nouvelles carrières ont été repérées, l'une de calcaire sur le flanc occidental de la ville (fig. 199 : 2), présentant des fronts de taille, un réservoir pour l'eau nécessaire aux travaux d'extraction et quelques fragments de colonnes ; l'autre de poros, à 5 km au Nord de la ville (fig. 199 : 3), avec de nombreux fronts de taille permettant parfois de spécifier le module d'extraction.
— L'agriculture. La découverte de nouveaux sites a confirmé que les environs d'Érétrie faisaient l'objet d'une exploitation agricole intensive. Ces sites se caractérisent par des concentrations de tuiles et de céramique commune, auxquelles s'ajoutent des fragments de ruches en terre cuite. Contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, il semble que les exploitations agricoles se répartissent au Nord de l'acropole plutôt que dans la plaine côtière.
— La défense. En longeant la ligne de crête occidentale depuis le fortin situé sur la pointe du Voudochi (fig. 199 : 4) jusqu'à la mer, on a repéré trois imposantes enceintes de pierres sèches (2 à 4 m de largeur) de plan oblong. Une seule a fourni de la céramique, d'époque classique ; elle domine le monastère d'Haghios Géorghios Arma (fig. 199 : 5) contrôlant le passage entre la plaine d'Érétrie et celle de l'Adèros.
— Les routes. Poursuivant la prospection vers l'Ouest, on a pu préciser le tracé de la route menant à Chalcis. On entrevoit aussi un réseau complétant cette voie côtière ainsi que plusieurs axes Sud-Nord, dont au moins deux traversent la chaine du Voudochi.
Un rapport préliminaire sur ces travaux est publié dans AK 44 (2001), p. 79-91.
Paru en 2001, le volume 11 de la série Eretria. Fouilles et recherches, par D. Knoepfler, est consacré aux Décrets érétriens de proxénie et de citoyenneté.
S. G. Schmid publie, dans JRA 14 (2001), p. 113-142, une étude sur le temple dédié au culte impérial (v. supra) ; dans Ε' ΕλλΚερ, p. 361-372, un groupe de vases du début de l'époque hellénistique provenant d'un puits près de la Maison aux mosaïques ; dans Nürnberger Blätter zur Archäologie 17 (2000- 2001), p. 101-120, un compte rendu sur les trouvailles géométriques et archaïques faites dans le secteur E/600/NW entre 1996 et 2000 et une brève synthèse sur le site à ces deux périodes.
I. Chenal-Velarde étudie, dans Archaeofauna 10 (2001), p. 25-35, la faune d'époque géométrique recueillie près de l'entrée du temple d'Apollon (v. BCH 117 [1993] Chron., p. 876) et dans l'aire sacrificielle (v. BCH 115 [1991] Chron., p. 924).
K. Reber, I. Chenal- Velarde et I. R. Metzger publient, dans Mélanges Ducrey, p. 115-153, une étude archéologique, archéozoologique et céramologique (v. aussi I. R. Metzger, dans Ε' ΕλλΚερ, p. 345- 356) d'un puits hellénistique fouillé dans l'Édifice IV du quartier Ouest (v. BCH 117 [1993] Chron., p. 874, 876) qui contenait notamment des objets en bois.
I. R. Metzger présente, dans AnthrAChron 4 (1997), p. 95-136, un choix de céramique hellénistique et romaine provenant de la Maison aux mosaïques ; dans Mélanges Isler, p. 295-302, une dizaine d'huiliers hellénistiques issus de diverses fouilles de l'École suisse.
(14) La campagne de 1999 était la quatrième et non pas la troisième, comme on l'a écrit par erreur dans la Chronique précédente (BCH 124 [2000], p. 966 ; Chronique n.11465) ; la fouille dans ce secteur a commencé en 1996.
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